Conférence au séminaire du Centre de Recherche en Ethnomusicologie (CREM), lundi 5 novembre, à 14h, à la MAE/Paris-Nanterre : https://lesc-cnrs.fr/agenda/756/le-coran-à-tue-tête-exubérance-et-aspérité-dans-la-récitation-collective-dite-taḥzzabt-sud-du-maroc-,-anis-fariji-cjb-anr-ilm
Au Maroc, la récitation collective du Coran est considérée comme une véritable tradition, une spécificité locale louée et défendue par les autorités religieuses officielles. Mais sur cet arrière-fond se détache cependant une manière singulière de réciter collectivement le Coran, portant un nom propre, qui suscite quant à elle discorde et réticences : la taḥzzabt. Car là où les récitations collectives conventionnelles sont quiètes, statiques et lisses, la taḥzzabt, elle, est vigoureuse, animée et âpre. On y récite le Coran à tue-tête, qui plus est en allant crescendo de manière parfaitement synchrone. C’est qu’il s’agit, en fait, d’une épreuve collective où l’exubérance est le maître-mot, aussi bien dans la manière de déclamer et d’articuler le texte sacré que dans la texture vocale. Dimensions de compétition, de fête, voire de jeu, mais aussi et avant tout dimension impérieuse du sacré se nouent toutes dans cette pratique vocale coranique et agissent éminemment sur sa pâte sonore particulière. À la lumière de la complexité et de l’ambivalence du phénomène religieux, cette présentation entend examiner un tel rapport de corrélation entre les qualités esthétiques de la taḥzzabt et les facteurs anthropologiques qui la sous-tendent.