La mémorisation du Coran occupe une place fondamentale dans la transmission de l’islam. Jusqu’à aujourd’hui, malgré les nombreuses réformes de l’enseignement religieux au Maroc, l’apprentissage par cœur de l’intégralité du texte est une étape obligatoire dans la formation du personnel religieux. Dans le kuttāb où le Coran est mémorisé durant plusieurs années, le lūḥ, traditionnelle planchette en bois, est encore considéré comme l’outil mnémonique le plus efficace.
Support d’écriture éphémère, à la fois personnel et interactionnel, le lūḥ est le lieu d’une relation intense entre l’élève et le Coran qui est mémorisé à l’aide d’une palette de signes, index, exergues et gribouillis que le maître y inscrit. À cette forme graphique se conjugue la forme vocale du Coran. Car la mémorisation ne se fait qu’à haute voix. Cette voix s’exerce inlassablement à la déclamation canonique du texte ; elle doit au demeurant l’embellir. Cela génère dans le kuttāb une texture sonore particulière qui ne stimule pas moins l’effort de la mémorisation, soutenu par le corps se mouvant dans l’espace.
À partir d’une enquête menée dans plusieurs écoles coraniques à Salé, à Rabat et dans la région de Souss (sud marocain), cette communication s’attache à restituer une ethnographie de la mémorisation du Coran à travers l’analyse de la valence matérielle, sensorielle et esthétique des dispositifs mnémotechniques à l’œuvre et de leur fonctionnement. Seront en particulier examinés : la forme graphique du lūḥ, la pâte sonore de la voix et la disposition du corps.
Écouter l’intervention commune :
Date : jeudi 27 septembre 2018, 17:00.
Lieu : Centre Jacques-Berque.
Intervenants :
Anouk Cohen, anthropologue, est membre du Centre Jacques-Berque (CJB, CNRS). Après une thèse sur les usages sociaux du livre et de l’écrit à Rabat et à Casablanca, elle travaille actuellement sur les matérialités et sensorialités religieuses au Maroc.
Anis Fariji, musicologue et ethnomusicologue, est post-doctorant au Centre Jacques-Berque, chargé de la coordination du programme ANR ILM. Ses travaux, dans ce cadre, portent sur l’analyse anthropologique et esthétique des pratiques vocales dans la transmission de l’islam au Maroc. Il s’occupe, par ailleurs, des questions de l’interculturalité dans la création musicale contemporaine, spécifiquement dans le monde arabe et la Méditerranée.